Homosexualité et zoophilie


Dans la tradition judéo-chrétienne, la notion de sodomie désigne sans beaucoup de distinction un grand nombre de pratiques sexuelles qui partagent la caractéristique de ne pas avoir de visées procréatives. L'amalgame souvent opéré entre zoophilie et homosexualité repose en grande partie sur cette notion.

Badge de Frank Kameny pour la déclassification de l'homosexualité de la liste des maladies mentales

La condamnation morale portant sur la zoophilie étant connexe à celle dont ont longtemps fait l'objet les homosexuels, il est toutefois possible d'établir certains rapports entre la lutte pour les droits des homosexuels et la lutte pour l'acceptation de la zoophilie. Mais cette idée est en partie contestée et peut également faire l'objet d'un rejet par la communauté homosexuelle.

Morale religieuse

Crime de sodomie est un terme qui recouvre dans la tradition judéo-chrétienne un grand nombre de pratiques qui partagent la caractéristique commune de ne pas être procréatives. De ce point de vue, l'homosexualité, au même titre que la zoophilie sont considérées comme des pratiques contre-nature.

Dans cette tradition judéo-chrétienne, la bestialité et l'homosexualité relèvent du même pêché, la sodomie, et faisaient l'objet du même opprobre et des mêmes condamnations.

Psychiatrie

Comme l'homosexualité, la zoophilie est considérée par la psychiatrie comme une paraphilies. Elles y figuraient conjointement jusqu'en 1973 au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) et jusqu'en 1986 à la Classification Internationale des Maladies (CIM-10) de l'OMS. Depuis le retrait de l'homosexualité de ces listes, la zoophilie y figure seule parmi d'autres paraphilies.

Le parallèle que l'on peut établir entre ces classifications et les origines judéo-chrétiennes de la condamnation de l'homosexualité et de la zoophilie ne sont sans doute pas innocents. Il est probable qu'en établissant cette classification, les psychiatres n'aient fait que reproduire des conceptions morales communément admises concernant le normal ou l'anormal sous la forme d'une pathologisation de ces comportements.

L'amalgame homosexuel = zoophile

Reposant sur une vieille tradition religieuse, et même psychiatrique, l'amalgame entre zoophilie et homosexualité sert habituellement à discréditer la légitimité du combat pour les droits des homosexuels. Il est ainsi à mettre en rapport avec un autre amalgame couramment employé entre l'homosexualité et la pédophilie.

Lors des débats sur le Pacs à l'assemblée nationale en 1999, certains opposants à la reconnaissance de l'union homosexuelle n'hésitèrent pas à s'exclamer "et pourquoi pas marier les zoophiles". L'argument est couramment employé par des mouvements réactionnaires pour dénigrer les homosexuels. Le même bestiaires discriminatoire est apparaît ainsi lors du mariage de Bègle sur les pancartes de manifestants anti-homosexuels: "Je veux me marier avec mon chien", etc. En France, il est fréquemment employé par les intégristes et les mouvements d'extrême droite comme les Jeunesses identitaires ou d'autres.

Le même amalgame est également fréquemment employé par les mouvements réactionnaires américains homophobes qui n'hésitent plus à lancer des campagnes anti-zoophilie (American for truth about homosexuality par exemple).

Cette stratégie de l'amalgame qui repose sur la crainte de voir s'effondrer des barrières morales est relativement partagée par les différentes religions monothéistes. L'argumentaire consiste essentiellement à introduire l'idée que toute permissivité en matière sexuelle pourrait être à l'origine d'un phénomène d'escalade et de contagion de comportements qu'elles considèrent contre-nature. Ces religions cantonnent en effet la sexualité au rapport sexuel reproductif dans le cadre matrimonial (c'est ce qui explique également la dénonciation de l'usage du préservatif). Fustigeant la simple recherche de plaisir dénuée de visées procréatrice, elles refusent de considérer la sexualité comme un lieu où s'expérimente le plaisir et où peuvent s'exprimer un large champ de préférence.

Ainsi, en 2007, le grand rabbin de Lyon faisait la déclaration suivante:

« Les homosexuels ont des problèmes médicaux de type génétique ou des problèmes de pulsions. Il faut donc mettre des parapets, des limites, ou alors on devient une société décadente avec des zoophiles et des pédophiles. (…) Ils [Les protestants] ont des pasteurs homosexuels, c'est pour ça qu'ils n'ont pas signé [une condamnation du mariage homosexuel co-signée par les responsables catholiques, juifs et musulmans de Lyon]. Ils ne voulaient pas créer des mouvements à l'intérieur de leur communauté. »

Richard Wertenschlag, grand rabbin de Lyon (février 2007)[1].

On retrouve le même genre d'idées dans l'islam contemporain. Plusieurs déclarations récentes de dignitaires religieux africains, mettent ainsi en rapport l'homosexualité et la zoophilie comme des vices issus de l'occident y mêlant au passage des arguments anti-colonialistes.

L'amalgame zoophile = homosexuel

Les théories psychiatriques avancent souvent une continuité entre plusieurs paraphilies et les comportements qu'elles jugent déviants. Ainsi, la zoophilie a souvent été rapprochée de l'homosexualité dans la littérature scientifique en n'hésitant pas à conclure qu'une majorité de zoophiles étaient homosexuels (cf. Earls (Christopher)).

Les rares études menées en population sur la zoophilie ont au contraire montré que cette inclinaison était prévalente tant chez les hommes que chez les femmes, même si elle était plus importante chez les hommes (cf. Rapport Kinsey). On peut douter de la représentativité des quelques études menées sur les forum internet dont le public est essentiellement masculin. Mais on peut également considérer qu'il est possible que le dépassement de certaines barrières morales à l'égard de la sexualité permette plus facilement à certains zoophiles de se déclarer homosexuel ou bi-sexuel ou à certains homosexuels à déclarer leur attirance pour la zoophile.

La pratique de la zoophilie chez les hommes n'implique pas nécessairement de se faire pénétrer par un animal mâle. De nombreux zoophiles ont une attirance exclusive pour les femelles. Par ailleurs il est sans doute abusif de considérer que le fait que des hommes puissent s'engager dans des rapports réceptifs avec des animaux mâles traduise l'expression d'une homosexualité refoulée. De même il est étonnant que la zoophilie féminine soit très souvent rapprochée du lesbianisme alors qu'elle implique souvent des animaux mâles. Ces théories se rattachent à l'idée que la zoophilie serait une sexualité de compensation.

Aussi de nombreux zoophiles qui ne se considèrent pas homosexuels contestent l'amalgame souvent pratiqué entre la zoophilie et l'homosexualité.

Enseignements de la lutte homosexuelle

Dans sa première phase, le mouvement pour la reconnaissance des droits des homosexuels a d'abord porté sur une critique de la psychiatrisation de ce comportement. Elle a consisté à dénoncer la pathologisation de l'homosexualité et à revendiquer le retrait de l'homosexualité, à l'époque considérée comme une paraphilie de la liste des maladies mentales (DSM et [[Classification Internationale des Maladies (CIM-10)|CIM-10).

L'obtention de ce retrait en 1973 pour le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) et en 1986 pour la classification de l'OMS a sans doute largement contribué à une modification du regard porté à l'égard de l'homosexualité. Dès lors sa condamnation morale ne pouvait plus être confortée par l'autorité de positionnements médicaux.

La lutte pour les droits des homosexuels a parallèlement aussi porté sur les réglementations qui pénalisaient l'homosexualité. Dans certains cas ces législations concernaient le délit de sodomie qui s'appliquait également à la zoophilie. Dans d'autres il concernait l'âge de la majorité sexuelle dont la différence de celle reconnue pour des rapports hétérosexuels reposait sur l'amalgame avec la zoophilie.

Par la suite le mouvement homosexuel a revendiqué l'égalité des droits et notamment la lutte contre les discriminations.

Ces deux premiers fronts juridiques et psychiatriques sont communs à la reconnaissance des droits des zoophilie. Même s'ils ont été menés parallèlement et étaient en partie complémentaire, on constate que le mouvement homosexuel a d'abord obtenu le retrait de la liste des maladies mentales.

Par ailleurs on peut faire un lien entre la question de l'âge du consentement et l'argument qui consiste à considérer les zoophiles comme des pédophiles. Il est également à mettre en rapport avec l'amalgame établi entre les actes de cruauté envers les animaux et la bestialité. La reconnaissance de la zoophilie implique donc également sur le modèle de ce qui a été mis en place par les homosexuels de lutter contre ces amalgames.

Des intérêts divergents?

Malgré les similitudes qui peuvent exister entre la lutte pour les droits des homosexuels et la lutte pour la reconnaissance de la zoophilie, les positionnements homosexuels à l'égard de la zoophilie sont quasiment inexistants.

De ce point de vue, la prise de position de Kameny (Frank) en 2008 a toutes les chances de devoir rester une exception. Il semble que les homosexuels aient plutôt cherché ces dernières années à prendre des distances avec les amalgames traditionnellement établis entre l'homosexualité et la pédophilie. Il est donc peu probable que compte tenu de la crainte de l'émergence d'un nouvel amalgame, le mouvement homosexuel puisse être considéré comme un soutien par les zoophiles[2].

L'actuelle recherche de respectabilité largement dominante dans le mouvement homosexuel semble devoir s'opposer à toute rapprochement. Au contraire, le mouvement homosexuel pourrait trouver dangereux toute émergence d'une revendication des droits des zoophiles qui pourrait entrer en contradiction avec leur agenda sur la revendication de l'égalité des droits et du mariage.

Par ailleurs, le versant le plus activiste du combat homosexuel a en partie abandonné la question de la liberté de mœeurs au profit de la question de genre et ne semble guère encore avoir été traversé par une réflexion antispéciste.


De leurs côté, certains zoophiles ont tendance à considérer que leur réalité est différente de celle des homosexuels et peuvent craindre un amalgame entre la zoophilie et l'homosexualité. Forte parenté historique entre la cause zoo et la cause homosexuelle. Pourtant des intérêts devenus divergents.

S'il est certainement possible pour les zoophiles de tirer quelques leçons historiques du combat des homosexuels pour la reconnaissance de leur droits, ils ne peuvent donc guère et ne semblent pas souhaiter obtenir un soutien du mouvement homosexuel. Pourtant en août 2009, un article paru aux États-Unis attirait l'attention sur l'analogie entre les deux problématiques et le vécu des zoophiles.[3][4]

Sources

Notes

Articles connexes

--Chiron 20 août 2009 à 14:30 (CEST)