Une loi basée uniquement sur la morale ?

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La loi de 2021, qui interdit tout acte de zoophilie avec un animal, en parlant d'"atteintes sexuelles", exclut explicitement "les actes liés à l'insémination".

Les atteintes sexuelles sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Les soins médicaux et d'hygiène nécessaires ainsi que les actes nécessaires à l'insémination artificielle' ne peuvent être considérés comme des atteintes sexuelles.

Ces peines sont portées à quatre ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis en réunion, en présence d'un mineur ou par le propriétaire ou le gardien de l'animal

Article 521-1-1 du Code Pénal


Contexte

Depuis fin 2021, la loi interdit les "atteintes sexuelles sur les animaux domestiques", ce qui signifie qu'on applique une notion humaine, l'atteinte sexuelle, aux animaux.

L'atteinte sexuelle se définit comme tout contact à connotation sexuelle : dès lors qu'un geste est motivé par une excitation sexuelle, alors il tombe sous le coup de la loi.

Avant cette loi, les sévices de nature sexuelle étaient interdit, ce qui devait sous entendre une notion de violence et/ou de contrainte (même, si dans les faits, la jurisprudence en avait décidé autrement en 2005 avec l'affaire du poney "Junior"[1]).


Marcela Iacub

Marcela Iacub est juriste, chercheuse et essayiste franco-argentine.

Elle a publié, en 2012, un article intitulé "Protection légale des animaux ou paternalisme ?"[2].
Dans cet article, elle revient sur la modification de la loi de 2004 et de sa jurisprudence avec l'affaire du "poney Junior" afin de démontrer que la jurisprudence en matière de zoophilie n'était pas là, déjà en 2004, pour défendre les animaux, mais bien pour défendre la morale, d'où l'intitulé de cet article : "Protection des animaux ou paternalisme ?".

Elle revient donc sur la modification de la loi de 2004, qui était venue modifier la loi qui protégeait les animaux, en modifiant l'interdiction des sévices sur animaux pour sévices de nature sexuelle sur animaux.
Elle explique qu'une sévices, qu'elle soit sexuelle ou non, reste une sévices, et que l'ajout de cette notion de "sexuelle" dans la loi en 2004 ne servait à rien : dès lors qu'il y avait violence, sexuelle ou non, c'était une sévices et on entrait dans l'infraction.

En excluant le besoin de démontrer l'existence de violence lors d'un acte sexuel avec un animal, Marcela Iacub en déduit donc que ce n'est pas la protection des animaux mais celle de la morale que la justice venait protéger.

Maeva Gallimard

Maëva Gallimard est doctorante et chargée d'enseignements en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Nantes au sein du laboratoire Droit et changement social.

Elle reprend, dans sa thèse "L'incrimination de la zoophilie"[3], les différents aspects légaux de la loi de 2004.
Elle revient sur le travail de Marcela Iacub et de la jurisprudence du poney Junior, et apporte des analyses juridiques intéressantes sur la loi 2004. Par exemple, on y apprend que cette loi serait illégale au regard de la Constitution Française, et qu'une simple QPC suffirait à la rentre inopérante.

Le rapporteur général de la loi de 2021

La loi de 2021 ne s'appuie sur aucune étude sur l'impact de la zoophilie sur les animaux. Elle est né après une campagne de lobby de l'association AnimalCross.

Lors d'un entretien donné sur Youtube, le rapporteur général de la loi, dont le métier principal est vétérinaire expliquera qu'il n'existe aucune étude qui prouve que la zoophilie soit néfaste pour les animaux :


Insolente Veggie

Le fait que la loi actuelle protège la morale et non les animaux a également été relevée par l'influenceuse végan "Insolente Veggie" (plus d'infos sur cet article).

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Quand le débat sur la Zoosexualité s’invite sur twitter

Vous trouverez ci dessous le témoignage d'une personne présente sur Twitter qui a tenté de débattre de la contradiction entre la loi actuelle, qui condamne tout acte zoophile, à une peine allant jusqu'à 4 ans de prison et 60 000€ d'amende et la protection animale, où des peines beaucoup moins lourdes sont applicables en cas de mauvais traitement fait sur un animal.

Le 5 septembre 2023 est publié sur mon compte intitulé Charles Menni – qui est le nom d’emprunt que j’utilise lorsque j’écris sur le sujet – un retweet d’un post effectué la veille par l’association de protection animale Once Voice montrant la vidéo d’une ponette battue par une professionnelle du cheval. 

La spécificité de ce retweet est de relever la différence de traitement qu’il y a entre une personne condamnée pour violence à l’encontre d’un animal, qui sera généralement punie de l’amende, et d’une autre pour des actes sexuels sur un animal, qui risque en France en moyenne 6 à 18 mois de prison avec sursis, un enregistrement comme délinquant sexuel pendant 5 à 10 ans au minimum, une interdiction de détenir un animal qui est nécessairement à vie (contrairement aux actes de cruauté, pour lesquels elle peut être temporaire) et enfin une thérapie forcée. La gravité de ces peines ne dépend aucunement de celle des faits dans la mesure où l’usage de la contrainte, de violence ou d’éventuelles blessures infligées n’a pas de conséquence sur la peine, dont la gravité dépendra plutôt de circonstances extérieures, comme par exemple si l’auteur des actes est propriétaire ou non de l’animal. 

Mon post relevait que, risque de telles peines, quiconque commet « [l]e moindre geste sexuel sur un animal qui le demande ». Publié par un compte sur lequel je me suis décrit comme un « Zoosexuel et amoureux des chevaux combattant les préjugés », le tweet deviendra viral au point d’atteindre en moins de deux jours 600 000 vues pour un compte ne présentant initialement que 20 abonnés. Une partie du message suscite particulièrement de réactions : le « qui le demande ». Il amène à se poser la question suivante : les animaux peuvent-ils proposer à un humain un rapport sexuel ? De tels comportements doivent-ils être réprimés en l’absence de violence, de contrainte et de blessure ? 

Le terme de « moindre geste sexuel » a aussi été délibérément choisi puisque la notion beaucoup plus large d’« atteinte sexuelle », pertinente en matière de protection de l’enfant, a été reprise pour remplacer celle de « sévices de nature sexuelle » appliquée en France aux animaux jusqu’en 2021. En 2022, c’est un élu du Tarn qui en avait fait les frais, alors que celui-ci laissait deux de ses chiens lui monter dessus, il avait en effet déclaré "[j]e m’en occupe bien. Je ne pratique pas la sodomie, ce sont eux qui le font s’ils le désirent" et aucun article ne mentionne de signes de mauvais traitements à leur encontre. 

Dans un pays qui pratique l’élevage intensif, où l’insémination artificielle est le mode de reproduction usuel, y compris pour les animaux de compagnie, la très ferme incrimination de la zoosexualité interroge. Elle n’est pas simplement comparée aux mauvais traitements, mais toute personne rendue coupable de tels actes risque les mêmes peines que pour les actes de cruauté, voire plus en prenant en compte les mesures complémentaires comme l’inscription au FIJAS. 

Dans mon compte Twitter, j’avais aussi effectué d’autres postes, notamment un remettant directement en cause les arguments et preuves scientifiques fournies par Animal Cross dans son rapport publié en 2019 et destiné à appuyer une plus ferme incrimination de la zoophilie[4]. Dans un autre je rappelais qu’en 2006 le Comité d’éthique Animale Danois avait dans sa conclusion recommandé de ne pas interdire les interactions sexuelles entre humains et animaux en l’absence de violences et de contrainte ; et avait même averti qu’une telle politique pouvait se montrer contreproductive, risquant par exemple de dissuader toute personne ayant accidentellement blessé son animal de le présenter à un vétérinaire et recommandé une approche basé sur la prévention[5]. 

Alors que le post Twitter continuait à faire grand bruit, je recevais à longueur de journée messages de haine, menaces de mort, appel au suicide qui, même signalés, restent souvent lisibles plusieurs jours voire semaines. Parfois, une discussion se lançait avec certains, et des thématiques comme le consentement, le comportement sexuel des animaux et la santé mentale faisaient partie des thématiques les plus souvent abordées. 

Le 7 septembre, mon compte a été suspendu. Si cela n’étonnera pas grande monde, c’est plutôt le motif utilisé qui, lui, est surprenant. La raison invoquée par la plateforme est celle de la « violation de la règle contre les contenus violents ou pour adultes dans la photo de profil ». Mon image de de profil, et ma bannière, trouvées sur l’un des premiers sites accessibles sur Google en tapant « horse pictures copyright free » et présentant respectivement la tête d’un cheval gris et trois chevaux broutant dans un pré au coucher du soleil, constituent donc, aux yeux de Twitter, des contenus pornographiques et/ou présentant de la violence crue. Un appel a été déposé sur la plateforme le jour même et le lendemain le Support Team de twitter a confirmé le lendemain la décision de suspension permanente sans donner plus de détails. 

Cette décision fait écho à celle prononcées en Allemagne dans les années 2009 – 2010 à l’encontre de la Zeta Verein, une association de défense des droits des zoosexuels. L’inscription légale comme association leur avait été refusé pour « contrariété aux mœurs » sans autres motifs ni explications. Elle rappelle aussi dans une moindre mesure ce qui est arrivé à la communauté française, qui, entre 2019 et 2021, a tenté de présenter ses vues sur la proposition de loi contre la maltraitance animale. Le 29 juin 2021, s'en était suivi des perquisitions sur fond d’accusation de menaces de mort, usurpation d’identité et harcèlement, effectuées dans le domicile de personnes supposées appartenir à la communauté. Elles faisaient suite à une plainte contre X d’Animal Cross et de son président Benoit Thomé. Deux ans plus tard, aucune preuve significative n’a été trouvée, aucun suspect n’a été renvoyé en jugement, alors que Mr Thomé a quant à lui été inculpé pour doxxing et est en attente d’un jugement en 2024. 

Si le débat contradictoire devrait être au cœur de toute société démocratique, défendre une position ouvertement favorable aux intéractions sexuelles avec les animaux s’avère être lourd de conséquences, aussi bien pour des zoosexuels, que pour des chercheurs, politiciens ou journalistes. Néanmoins, à mesures que les règles pénales en la matière se durcissent, la nécessité d’avoir un examen rationnel de ses motifs ne fait que se renforcer et il est donc inévitable, qu’à terme, le tabou finisse par être brisé. À cet effet, la décision de censure de Twitter marque un mauvais départ. 


Charles Menni

Références

  1. L'affaire du poney Junior - 2005
  2. https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2011-4-page-79.htm
  3. L'incrimination de la zoophilie
  4. MENNI Charles, Animal Cross, la Zoophilie et la Science, Blog des Zeta Verein, 15 avril 2023. Disponible sur : https://blog.zeta-verein.de/fr/2023/04/animal-cross-la-zoophilie-et-la-science/
  5. Conseil Danois d’Ethique Animale, Rapport au sujet des relations sexuelles entre des êtres humains et des animaux, Novembre 2006.
    Version originale : https://www.justitsministeriet.dk/sites/default/files/media/Pressemeddelelser/pdf/2006/Udtalelse.pdf
    Version française : https://www.animalzoofrance.com/wiki/Fichier:Danish_Animal_Ethics_Council_-_November_2006_VF.pdf